Apprentie révolution

Enfant, j'étais terrorisée par les volcans. Pas les volcans aux nuées ardentes, mortellement dangereux et imprévisibles, mais les volcans “rouges”, les volcans de lave... Les volcans d'Auvergne où je vivais. Je rêvais régulièrement que je me faisais surprendre en pleine promenade par une coulée de lave arrivée de nulle part, ou que ma maison était engloutie dans ce feu liquide.

Devant cette phobie, mes parents m'ont expliqué maintes fois qu'il n'y avait rien à craindre, que les volcans qui entouraient ma maison étaient éteints depuis bien longtemps, et que même si une nouvelle éruption devait avoir lieu, il se passerait des mois, voir des années entre le réveille du volcan et son explosion. Des signes précurseurs, facilement identifiables, permettraient d'estimer quand la montagne deviendrait vraiment dangereuse. On aurait cent fois le temps d'évacuer ; dans certaines régions du monde, des villages entier continuaient à vivre pendant des années tout près de volcans en activité, sans que cela ne nuise à leur quotidien. Ils faisaient avec, s'y habituaient... le volcan faisait parti de leur décors.

J'ai fini par me laisser convaincre, et transformé ma peur en fascination.

La terre boue en flaques éparses, des fumerolles s'élèvent par endroits, de légères secousses se font ressentir, des grondements sourds résonnent de temps à autres, et s'oublient dès le silence revenu... Le magma n'est pas loin, on le sait.

On ne sait ni par où, ni quand il jaillira, mais on ne peut douter que ça arrivera.

Pour un détail, pour un symbole, par rage ou par amour de la liberté. Le mot est passé, des barrières ont été renversées. Pour rendre les rues à l'art, au peuple. Scène de bataille, des clowns et des enfants face aux robots armés. Des nourrissons et des vieillards lacrymogénés, au milieu des festivités.

Les yeux pleurent et la gorge brûle, mais les cœurs bouillonnent dans un élan de vie partagé. Parce qu'on sait qu'après l’éruption, un nouveau paysage sera à dessiner.